Quelques repentirs et des films US

3 septembre 2010 par - DVD

Repentirs

FILMS FRANÇAIS

coffret ophulsJ’avais oublié de mentionner plusieurs sorties de films exceptionnels notamment chez Gaumont. Tout d’abord le coffret Ophuls qui comprend trois chefs d’œuvre sublime que j’ai vu et revu : LA RONDE, LE PLAISIR, MADAME DE. Et aussi LOLA MONTES sur lequel je continue à faire des réserves malgré de nombreuses séquences fulgurantes (le cirque, bien sur, moment inouï de cinéma où la présence de Martine Carol fait corps avec les ambitions du film), Peter Ustinov, Anton Walbrook et Oskar Werner. Les restaurations sont somptueuses et Marcel Ophuls apporte un éclairage passionnant.

La poisonSaluons aussi la sortie longtemps attendue de LA POISON, un immense Guitry, noir, décapant et de UN CONDAMNÉ A MORT S’EST ÉCHAPPÉ, l’un des très grands Bresson avec PICKPOCKET, LES DAMES DU BOIS DE BOULOGNE, AU HASARD BALTHAZAR (sur le tournage duquel Anne Wiazemsky a écrit un livre très émouvant). Il faut acheter ces différents titres. J’avais été stupéfait d’apprendre que les premières ventes de UN CONDAMNÉ – œuvre jamais éditée en cassette – avaient été plutôt molles ce qui me paraît inconcevable et choquant. Ou alors il faut admettre une baisse de la passion cinéphilique, de la curiosité, un transfert de cette passion sur les cinéastes à la mode. Ou bien accepter le fait que nombre d’amateurs se contentent d’une cassette copiée lors du ciné-club de Claude Jean Philippe ou Patrick Brion et ne voient pas l’intérêt d’acquérir un magnifique dvd qui rend justice à la photo et à la bande son d’origine.

Le rouge et le noirDans la même collection Gaumont, j’ai vu le Blue Ray bien restauré du ROUGE ET LE NOIR et je dois confesser que je déteste ce film, sa mise en scène horriblement guindée, académique, aseptisée qui justifie – contrairement à la TRAVERSÉE DE PARIS, DOUCE, EN CAS DE MALHEUR, OCCUPE TOI D’AMÉLIE – les attaques de Truffaut et consort. Lara et Max Douy ne sont pas inspirés par la couleur. Tous les décors sont sur éclairés. La photo de Michel Kelber est d’une immense platitude. La comparaison avec des films anglais, américains tournés lors de la décennie précédente, prouve le retard, le manque d’inspiration des chefs opérateurs français. Ne parlons même pas de Powell, prenons un Basil Dearden (SARABAND FOR DEAD LOVERS), un Gordon Douglas comme la MAÎTRESSE DE FER qui placent leurs personnages dans le noir, savent utiliser les ombres. Dans ce dernier film, sorti par Warner Archives, on trouve un duel au couteau nocturne, dans une pièce dont les combattants ont soufflé les bougies. Douglas et John Seitz utilisent simplement la lueur des éclairs. On chercherait en vain une séquence aussi brillante, des recherches aussi réussies dans le film de Lara. Y a-t-il une belle photo couleur en France dans les années 50 en dehors de FRENCH CANCAN ?

Gérard Philippe, trop vieux pour certaines scènes, est vraiment bon face à Darrieux, toujours parfaite. En revanche le choix d’Antonella Lualdi pour Mathilde de la Môle est une grossière erreur.
Lara déclarait dans un passionnant entretien accordé aux Cahiers du Cinéma qu’André Bazin avait demandé à la commission de censure de couper certaines scènes dans le couvent. Je croyais qu’on les avait retrouvées, en particulier celle de l’œuf que cite souvent Aurenche, lequel ne voulait pas plus adapter ce livre que Pierre Bost. Ni l’un ni l’autre n’étaient contents de leur travail et ils préféraient de beaucoup LA TRAVERSÉE, AMÉLIE, DOUCE voire le méconnu LES PATATES.

Les lettres de mon moulinPour me remettre de cette épreuve, j’ai commencé à voir LES LETTRES DE MON MOULIN de Pagnol. Là encore, restauration magnifique. Dans ces deux DVD, je n’ai pu voir que le premier sketch, l’Elixir du Père Gaucher que j’ai trouvé cocasse, léger dans sa manière de jouer avec les interdits de la Religion. On peut y déguster une de ces scènes de transaction financière dont Pagnol avait le secret. Et Rellys est, tout comme dans MANON, confondant de justesse. Ce film avait été, je crois, froidement reçu, et j’ai du mal à comprendre pourquoi. Je n’ai été gêné que par le curieux synchronisme des chants religieux dont certains ont été ajoutés au montage.
Travail d'arabe

Et revenons sur une comédie dont je pense avoir parlé dans ma première chronique blog : l’excellent TRAVAIL D’ARABE de Christian Philibert, œuvre trop méconnue qui n’est pas sans rappeler certaines réussites de Risi ou Monicelli.

FILMS ITALIENS

Parmi les films italiens, je vais revoir dès que possible LE GENERAL DELLA ROVERE, invisible depuis vingt ans et découvrir DOMMAGE QUE TU SOIS UNE CANAILLE dont on me dit grand bien.

General della rovere Dommage que tu sois une canaille

FILM POLONAIS

Train de nuitIl faut revenir sur TRAIN DE NUIT de Jerzy Kawalerowicz que j’ai trouvé remarquablement filmé : l’utilisation de l’espace, des couloirs, des rapports entre l’extérieur et l’intérieur des wagons n’a rien à envier à Fleischer ou Mann. Le ton de l’œuvre devient de plus en plus âpre et cette âpreté culmine lors d’une chasse à l’homme qui se transforme pratiquement en lynchage. La musique du film exécute de jolies variations vocales et instrumentales sur Moon ray.

FILMS ANGLAIS

Deux Thorold Dickinson viennent de sortir et qui sont considérés comme ses réussites les plus marquantes avec GASLIGHT : SECRET PEOPLE et surtout QUEEN OF SPADES. Je n’ai eu le temps de ne voir que le second qu’admire énormément Martin Scorcèse qui y voit l’une des dates du cinéma fantastique.
Thorold Dickinson a eu une carrière très étrange qui l’a amené à tourner en Afrique, aux Indes et finalement en Israël (LA COLLINE 24 NE RÉPOND PLUS) avant de diriger le service cinéma des Nations Unies et de devenir l’un des premiers professeurs d’écriture filmique en Grande-Bretagne.
GaslightC’est Anton Walbrook avec qui il avait tourné GASLIGHT (que l’on peut voir sur le dvd zone 1 du film de Cukor) qui le réclame sur QUEEN OF SPADES et il s’embarque sur ce projet 5 jours avant le début du tournage. Il va devoir improviser, lutter contre les pires contraintes (plateaux si petits que le carrosse de la comtesse, que le décorateur a exigé de construire en taille réelle, ne peut bouger que sur deux mètres), ré écrivant le scénario avec le producteur Anatole de Grunwaldt durant la nuit.
Cette adaptation de Pouchkine (qui sera plus tard filmée de manière assez heureuse par Leonide Keigel et photographiée par Alain Levent) est très brillante visuellement, voire flamboyante. Les décors, les effets sonores, les costumes, les accessoires prennent une grande importance, dans une référence constante au cinéma muet ou du début du parlant, même si la caméra est très mobile. La photographie d’Otto Heller sublime les problèmes de production (qui semblent avoir stimulé toute l’équipe), joue avec invention des fausses perspectives, des miroirs.
Queens of spadesL’interprétation se veut aussi excessive et là je dois dire que j’ai des réserves face au jeu expressionniste d’Anton Walbrook, acteur si génial chez Powell et Ophuls, qui surligne ici les sentiments de son personnage. Au contraire de Dame Edith Evans dont on ne peut oublier la démarche. Je regrette aussi certains effets de montage lors de la dernière partie de carte. Mais j’ai envie de revoir ce film. Dans les bonus, on entend, après la présentation de Scorcèse et une analyse approfondie de l’œuvre de Dickinson, une introduction très amusante du metteur en scène qui explique les conditions de tournage et notamment comme il a obtenu la neige (aucun sous titre)

FILMS AMERICAINS

Je sais, les archives de la Warner ont sorti des titres à un prix prohibitif (surtout si on considère qu’il n’y a ni bonus ni sous titres) – prix qui est nettement diminué si on les télécharge – mais certains de ces titres étaient tellement rares que je me suis rué dessus.
I love MelvinJe pense à I LOVE MELVIN, une comédie musicale assez charmante, pleine d’énergie, réalisée par Don Weis (le réalisateur des AVENTURES DE HADJI BABA que portaient aux nues les cinéphiles durant les années 60) et qui reste méconnue, même des amateurs du genre. Mon ami Jean Pierre Coursodon l’adore, le plaçant sur sa liste des 10 meilleurs « musicals » , vantant le scénario de George Wells, le traitement des parents de Debbie Reynolds (surtout de sa petite sœur) et cette étude de l’égoïsme gentillet, ordinaire propre à des gens gentils.
Je ne serai peut-être pas aussi enthousiaste que lui, mais il faut admettre que le remarquable ballet de Hermes Pan où l’exquise Debbie Reynolds, jouant le ballon, passe de main en main, est irrésistible et justifie à lui seul l’achat du DVD de même que les deux numéros acrobatiques de Donald O’Connor.
All the marblesTout aussi rare ALL THE MARBLES est l’une des réussites les plus exemplaires, les plus sidérantes d’Aldrich. On a l’impression qu’il a voulu prendre à contre-pied ses détracteurs. Sur un sujet qui aurait pu lui inspirer les excès, la frénésie qui font le prix de certains de ses grands films (THE GRISSOM GANG), le catch féminin, Aldrich témoigne d’une délicatesse, d’une légèreté surprenante. Il filme ses héroïnes avec la même empathie, la même chaleur que Cassavetes avec les strip-teaseuses de MEURTRE D’UN BOOKMAKER CHINOIS.

The unfaithfulDans la même collection The UNFAITHFUL de Vincent Sherman qui n’est pas mal du tout. La première moitié est même très efficace, bien filmée avec une belle utilisation des décors lors du meurtre. Steven Geray est cauteleux à souhait, Eve Arden distille quelques excellentes répliques (à Zachary Scott qui lui dit « moi, j’ai attendu 2 ans », elle répond : « oui dans le Pacifique Sud. Essayez Wiltshire Boulevard ». Belle photo d’Ernest Haller et la musique de Steiner parfois envahissante développe un magnifique thème quand Lew Ayres mène l’enquête.
Ce remake ou plutôt ces variations sur la LETTRE, s’écartent adroitement de l’original, tout en conservant les références obligatoires que note Jean Pierre Coursodon : « , la sculpture remplace la lettre comme pièce à conviction, la femme de la victime veut se venger, le prix du chantage est le même (dix mille dollars!). Il y a des idées de mise en scène semblables (Sheridan tourne le dos aux autres quand elle ment, comme Davis) et au moins une ou deux répliques sont empruntées mot pour mot au film de Wyler (Geray reprenant un propos du secrétaire asiatique de l’avocat dans LA LETTRE sur le même ton cauteleux, l’antiquaire tenant le rôle de l’entremetteur qui était celui de Sen Yung)…
Davis tuait par passion et jalousie alors que Sheridan tue en légitime défense. .Les scénaristes, David Goodis et James Gunn ont inversé la situation : Sheridan a rompu avec son amant lequel avait délaissé Davis. Et le dernier tiers s’écarte radicalement de la version précédente. .
Abe Lincoln in IllinoisCela faisait très longtemps que je voulais revoir ABE LINCOLN IN ILLINOIS de John Cromwell, écrit par Robert Sherwood d’après sa pièce qui remporta un grand succès en 1938. C’est en quelque sorte une suite du chef d’œuvre de John Ford (dont il recoupe certaines scènes sous un autre angle), VERS SA DESTINÉE qui commence par une après-midi pluvieuse de 1831, lorsque Lincoln âgé de 22 ans (Massey fait là trop vieux pour le rôle) quitte la maison familiale. Le film va raconter les 30 années qui suivent, jusqu’au voyage en train de 1860 qui l’emmène à Washington où, contre toute attente, il remportera les élections… Raymond Massey que beaucoup considèrent comme la plus juste incarnation de Lincoln sera nommé aux Oscars pour ce rôle
Comme dans le Ford, son histoire d’amour avec Ann Rutledge tourne court car elle meurt subitement de maladie et Lincoln, redevenu avocat, va rencontrer et épouser Mary Todd que joue magnifiquement Ruth Gordon.
Le film de Cromwell qui abonde en extérieurs filmés avec une certaine ampleur, frappe surtout par son refus de toute l’imagerie traditionnelle, voire par sa noirceur. Lincoln est montré comme un personnage souvent velléitaire, parfois opportuniste, hésitant, refusant au début de s’engager à fond contre l’esclavage bien qu’il le réprouve.
C’est sa femme qui le pousse, l’oblige à prendre les grandes décisions. Il ne veut pas se porter candidat et elle doit le lui arracher tout en sachant que l’Histoire ne retiendra d’elle que l’image d’une femme revêche et effacée.
C’est une œuvre en creux, qui suggère, aborde de manière oblique, les conflits qui vont ravager le pays. Aucune narration épique, mais un ton discret, austère, toujours en demi-teinte que je trouve relativement attachant. C’est un complément indispensable au Ford.

3 Gordon Douglas

The Iron MistressI was a communist spy of the FBILes Archives de la Warner viennent de sortir 3 excellents Gordon Douglas, the IRON MISTRESS, biographie peu factuelle mais très agréable à voir de Jim Bowie (qui périra à Alamo) que j’ai déjà mentionné. I WAS A COMMUNIST SPY FOR THE FBI qui part d’un postulat douteux (les soi disant confessions de Matt Cvetic qui informa le FBI sur les réseaux communistes contre rémunération, ce que le film, bien sur, ne mentionne pas) mais l’exécute avec un brio indéniable. C’est sans doute l’un des films anti-communistes les plus teigneux de l’époque. Les « rouges » sont machiavéliques, abjects. Ils excitent les Noirs à se révolter et tiennent d’effarants propos racistes (ce qui n’est pas aussi faux qu’on pourrait le penser, en tout cas en URSS), méprisent tous ceux qu’ils sont censés défendre, cognent sur les militants syndicaux avec des matraques dissimulées dans des journaux juifs. Mais la mise en scène est brillante avec une belle utilisation de la profondeur de champ, une belle photo, des cadres dynamiques et inventifs, et la poursuite finale mérite de s’inscrire dans les réussites du film noir.

Gold the seven saintsGOLD OF THE SEVEN SAINTS est un western nonchalant, très bien écrit par Leigh Brackett, qui fut un projet de Hawks. Le scope noir et blanc est très bien utilisé, dès la première séquence nocturne et les paysages remarquablement intégrés à l’action. Les rapports entre Roger Moore, Clint Walker et la charmante Laetitia Roman sont plaisamment décontractés et amoraux jusque dans la chute finale (Walker et Moore sont d’ailleurs plus déshabillés que la jeune fille contrairement aux canons du genre). Les retournements dramatiques ont un petit côté hustonnien et la fin, avec un Gene Evans qui gémit, écrasé par un rocher et sur qui Walker verse de la poudre d’or en disant « Meurs riche » est inoubliable. À découvrir.

A walk in the sunA WALK IN THE SUN (Le Commando de la Mort)
Depuis 30 ans, ce film de Milestone dans le domaine public n’était visible que dans copies délavées, des minables et horribles contretypes. VCI vient de sortir en dvd qui permet enfin de le voir dans de bonnes conditions. (aucun sous titre mais un bonus absolument passionnant qui comprend un long interview de Norman Lloyd qui raconte l’épopée que fut le tournage de ce film, les risques pris par Milestone qui paya de sa poche plusieurs semaines de tournage.
J’ai relu le fort beau roman (Une Promenade au soleil) de Harry Brown qui retrace la vie d’une patrouille en Italie et j’ai pu constater que le scénario de Robert Rossen reprenait pratiquement tous les dialogues lyriques, brisés, de Brown. L’ouverture du film montre à quel point Rossen respect les digressions du romancier (les tirades de Norman Lloyd sur la prochaine guerre qui va se dérouler au Tibet), les questions auxquelles on répond quelques phrases plus tard.
Certains échanges dans la deuxième partie, filmée sur fond de transparence, deviennent à l’écran, assez pesants. D’autant qu’une ballade, efficace au début, semble redire ce qui vient d’être détaillé. En revanche, la sécheresse des séquences d’action, leur sèche brutalité n’ont pas pris une ride que ce soit la destruction d’une auto mitrailleuse ou l’assaut de la ferme.
L’ambition de Milestone, filmer la guerre à hauteur d’hommes et s’intéresser plus aux sentiments qu’à l’héroïsme, atteint pleinement son but comme dans cette rencontre surprenante, touchante avec deux déserteurs italiens.
Je reviendrai sur ce film.

TitanicNo man of her ownTITANIC
REVU avec beaucoup de plaisir NO MAN OF HER OWN et, poursuivant avec Stanwyck, j’ai enfin vu TITANIC de Negulesco dont la première partie est vraiment pas mal, bien écrite par Charles Brackett, Walter Reisch et Richard Breen (lequel est prépondérant ?). Il y a plusieurs détails originaux par rapport aux autres versions : les premières scènes ne se passent pas en Angleterre mais à Cherbourg, ce qui nous vaut quelques dialogues en français de bazar….
On assiste à une messe dans la grande salle du paquebot, transformée en chapelle (messe présidée par le capitaine).La première apparition des morceaux d’iceberg est très bien filmée : Robert Wagner (qui est transparent) jette sa casquette dans l’eau. Elle tombe parmi des blocs de glace. Tout ce qui tourne autour des parties de bridge est plutôt bien. Trouvaille du scénariste ou du cinéaste ? Il y a une boutique de tailleur à bord et Clifton Webb se fait faire un costume et commande un vrai pantalon pour son fils, moment assez réussi. Les rapports entre Webb et Stanwyck sont plutôt bien écrits, avec quelques échanges au rasoir durant la première moitié. Mais dans la deuxième, les rebondissements deviennent prévisibles de même que l’évolution des personnages : la transformation de Webb qui de dandy cinglant et égoïste devient un héros est traitée avec une grande lourdeur. Les scènes de panique sont pauvres, statiques, sans suspense et elles ne relatent pratiquement aucun des actes honteux commis par des passagers. Le film est presque muet sur les déficiences du navire et sur les comportements des passagers. Tout cela est montré beaucoup plus intelligemment, beaucoup plus fortement dans A NIGHT TO REMEMBER de Roy Ward Baker (sorti aux USA par Criterion et an Angleterre) écrit par Eric Ambler pour moi la version la plus satisfaisante, moins brillante que le James Cameron, moins lyrique mais plus intelligente et plus juste. Mais qui l’a vue en France ?

Union stationUNION STATION
Je viens de revoir UNION STATION (Midi gare centrale) que j’avais bien aimé quand j’avais 15 ans. Je me souvenais parfaitement de la longue séquence de filature dans le métro qui provoque la mort du gangster dans les abattoirs. Elle tient drôlement bien le coup et est même plus longue, plus variée que dans mon souvenir. Cette séquence aurait paraît-il inspiré celle de FRENCH CONNECTION.
UNION STATION est un bon film, l’un des meilleurs de Mate avec DOA (Mort A l’Arrivée) que vient de ressortir Wild Side. Le récit est bien mené, les extérieurs sont très efficaces. Les puristes évidemment ont remarqué qu’on mélange les gares de Los Angeles et de Chicago (il n’y a pas de métro aérien à Los Angeles, surtout au-dessus d’abattoirs). Je me suis demandé, en revoyant ces deux films, si Maté dans ses films noirs n’influençait pas le chef opérateurs : il y a des plans, des cadrages, des choix d’éclairages qui rappellent son travail d’opérateur. Cette utilisation de la lumière, ce choix des lieux sombres et oppressants (sous sols, tunnels) contredisent quelque peu les ambitions néo-réalistes et documentaires visiblement inspirées de NAKED CITY. Le décor est très bien utilisé – Dieu que les gares sont plus cinématographiques que les aéroports – et contribue beaucoup à l’intérêt qu’on prend au film. Lequel bénéficie d’un bon scénario, tendu, épuré, sec de Sidney Boehm (REGLEMENT DE COMPTES de Lang). On part d’un détail remarqué par une personne et peu à peu on découvre toute une machination criminelle, le tout dans un lieu qui brasse des milliers de gens. L’animation, la présence de la foule, la géographie du décor servent de contrepoint dramatique aux sentiments personnels. Le ton du film évite les parenthèses sentimentales Les flics sont durs, violents. Le criminel incarné de manière inoubliable par Lyle Betger est effrayant de cynisme : il répond à Jan Sterling qui lui demande si après la remise de la rançon, le père récupérera sa fille : « oui dans la rivière… prépare-moi du café ». Un peu plus tard, l’entendant à nouveau hurler, il déclare : « payer 100 000 dollars pour ça… » Holden est une fois de plus excellent et son personnage écrit avec efficacité (la manière dont il fait régner la loi dans la gare est traitée de manière amusante. J’ai toujours aimé Nancy Olson comédienne discrète et juste. Et Berry Fitzgerald reprend efficacement son personnage de NAKED CITY.
Je discuterai simplement la manière dont Maté place les flics dans la gare. Cela donne des cadres efficaces mais les rend très voyants d’autant qu’ils ne font que regarder. Il n’y en a pas un qui lit un journal ou mange un morceau. Autre détail, sans doute juste par rapport à l’époque : il n’y a pas une seule femme flic alors que la victime est une femme. Musique de Heinz Roehmheld (déjà… On le retrouve au générique de THE BLACK CAT et quand il a travaillé sur les Boetticher, il devait être très âgé).

Darktown StruttersVu DARKTOWN STRUTTERS le dernier film de Witney produit par Gene Corman. C’est une horreur, une parodie idiote des stéréotypes blacks avec des effets farceurs d’une lourdeur écoeurante (accélérés, poursuites saccadées, tartes à la crème). À Fuir.
Girls hunterJ’ai aussi revu the GIRL HUNTERS de Roy Rowland qui doit sortir chez Carlotta, avec pas mal de plaisir malgré la photo banale, la mise en scène correcte mais routinière et la bande son. Il n’y a souvent aucun bruitage sauf ceux qui sont obligatoires (fermeture de porte, coups de feu), aucune ambiance. On dirait une version post synchronisée sans piste internationale. Le film aussi détient, je pense le record des plans où le héros enfile ou ôte son imperméable et son chapeau. Ils ont dû s’en rendre compte car aux trois quarts, Mike Hammer « oublie » son imper dans une voiture, sur un dossier de chaise… Mais Mickey Spillane qui joue Mike Hammer, possède une sorte de présence néanderthalienne et les séquences qui l’opposent à Shirley Eaton, laquelle, sans justification, se retrouve toujours en bikini, sont assez marrantes, la bagarre dans la ferme vraiment violente. La fin est comme dans J’aurai ta peau, assez misogyne. L’acteur qui joue Pat n’est pas convaincant contrairement à Lloyd Nolan et Spillane insisita pour qu’on prenne l’éditorialiste Hy Gardner dans son propre rôle et collabora au script de même que Roy Rowland.

Commentaires (169)

 

  1. Bella dit :

    C’est une horreur

  2. Thevenet dit :

    Bonsoir,

    Désolé de vous importuner avec cela mais je viens de découvrir aujourd’hui qu’un message que je vous avez envoyé à caractère privé à été finalement publié sur votre blog, en 2010. Le hic s’est qu’il affiche publiquement mon mail mais aussi mon numéro de téléphone personnel.
    Vous serez t il possible d’effacer mon commentaire (qui n’en est pas un du coup ?)

    Bien cordialement

    Pierre Adrien Thevenet

  3. Christophe dit :

    Une belle photo couleur en France dans les années 50?
    Une vie d’Alexandre Astruc!

  4. Damien DOUSSIN dit :

    A Bertrand T. Avez-vous été plus en avant dans le visionnage des LETTRES DE MON MOULIN et si oui ce coffret vaut-il vraiment le détour en dehors de la restauration effectuée ? La question se pose tout de même vu le prix pratiqué… Je pense aller plus en confiance sur MERLUSSE.

  5. BROUSSOT UGO dit :

    DERNIERE MINUTE…
    Projection: « Eh bien ! Dansez maintenant » de Laurence FERREIRA BARBOSA
    19/03/11 à 20 h 00

    Bonjour,
    Le film réalisé lors du chantier « La comédie musicale au cinéma »,
    dirigé par Laurence Ferreira Barbosa en juin 2010, a attiré l’attention du FestivalQuickflickParis
    http://www.quickflick.tv/index.php/city/paris/fr/
    Dans le cadre de ce festival, deux séquences du film seront projetées
    le samedi 19 mars 2011 entre 19 h 30 et 23 h 30. Bar Culture Rapide, 103 rue Julien Lacroix – 75020 PARIS
    Tél 01-46-36-08-04- M° Belleville
    Si vous souhaitez assister à l’événement, n’hésitez pas: l’entrée est libre dans la limite des places disponibles.
    …Alors si vous êtes curieux de me voir en Gene Kelly de l’escalator, je vous dis « à samedi! ».
    A bientôt j’espère,
    U.

    Ugo BROUSSOT
    3 rue de l’agent Bailly
    75009 Paris
    06.62.52.23.74

  6. Elisabeth Ercy dit :

    Bonjour mr Tavernier, je cherche Mississipi Blues et voudrai votre commentaire sur le tournage du film , et avec le recul vos souvenirs de cette aventure . Pourriez vous me dire ou je peut trouver le dvd , merci infiniment, n’ai trouvé que ce moyen pour vous contacter . Elisabeth Ercy

  7. Bonjour,
    Vous ne citez pas dans votre liste des grands Bresson, Le Procès De Jeanne D’Arc, qui, je trouve, est indispensable et totalement bouleversant. Personnellement, je ne m’en remis jamais!

    • Bertrand Tavernier dit :

      A TRISTAN L’HERMITE
      Je crois avoir parlé plusieurs fois du CONDAMNÉ À MORT, DES DAMES DU BOIS DE BOULOGNE, DE PICKPOCKET qui figurent avec les ANGES DU PÉCHÉS parmi mes Bresson favoris

  8. Cher Bertrand,
    Vous devez être à la fois très occupé et exténué après tout le travail qui entoura votre belle Princesse…
    Permettez-moi de vous adresser mes meilleurs voeux cinéphiliques pour 2011, de vous souhaiter de multiplier les projets aboutis et tout le bonheur possible!
    Merci encore pour tout ce que vous donnez sans compter.

    • Bertrand Tavernier dit :

      A Ballantrae
      Merci, je lutte toujours pour la PRINCESSE pour la faire reprendre dans des salles avec des débats animés par des historiens qui souvent sont plus cinéphiles qu’on le pense. Voir ce que dit Pierre Nora dans l’Observateur

  9. PASKY dit :

    bONJOUR bertrand
    Que pensez vous de la remasterisation des films de TOd BROWNING sortie recemment en coffret chez LOBSTER FILMS?

  10. Raphaël dit :

    Cher Bertrand,

    Grand lecteur de ce blog, j’y participe seulement aujourd’hui en me permettant de vous faire part d’un autoportrait. Je l’ai réalisé hier. Reconnaîtrez-vous l’hommage ?
    —> http://tinyurl.com/32rua65

    Voici deux images alternatives qui vous donneront plus d’indices !
    —> http://tinyurl.com/36saodv
    —> http://tinyurl.com/38cx67f

    J’ai pensé à vous.
    Il se trouve dans votre dernière sélection de DVDs et je crois savoir qu’il tient une place importante dans votre cinéphilie. C’est mon cas aussi et c’est un peu grâce à vous.

    A bientôt,
    Raphaël

  11. Harry Lime dit :

    Vu en dvd zone 1 le magnifique BEGGARS OF LIFE (Les Mendiants de la Vie, 1928) de William Wellman, avec Louise Brooks, Richard Arlen et Wallace Beery, film muet de 1928 qui n’existe pas en zone 2 et est très rare en zone 1, puisque, sauf erreur de ma part, seul Grapevine Videos l’édite. Certes, l’absence de restauration ne laisse qu’entrevoir les beautés du film, mais c’est suffisant pour admettre ce film parmi les grandes réussites de la fin du muet. En traitant le thème des vagabonds, Wellman anticipe sur la crise à venir et sur les grands films qu’il réalisera à ce moment comme Wild Boys Of The Road. En plus de la poésie propre au muet (notamment dans la première partie, qui est magnifique). Si quelque lecteur de ce blog a quelque influence sur les éditeurs DVD en France, je ne saurais que trop conseiller d’en user en faisant la promotion de ce film !
    Chez les même éditeurs, vu également FEEL MY PULSE, de Gregory La Cava, avec Bebe Daniels, Richard Arlen et William Powell. Une excellente comédie burlesque dans laquelle une riche héritière hypocondriaque se retrouve parachuté dans un repaire de contrebandiers. Ca vaut le coup d’oeil.
    Toujours chez le même éditeur: BURNING DAYLIGHT, d’après Jack London, de Charles Brabin (connu pour LE MASQUE D’OR et BEAST IN THE CITY) est une réussite mineure mais sympathique.
    Et pour terminer, encore chez Grapevine Videos, The Power Of The Press, de Frank Capra, dont j’avais déjà parlé mais deux fois vaut mieux qu’une!

  12. keuller jacques dit :

    Connaissez-vous le thriller « Downtown » de Ed McBain, paru il y a plus de dix ans ?
    A mon avis vous pourriez en tirer un film aussi bon que « North by northwest » de Hitchcock.
    L’histoire d’un producteur d’oranges entraîné, sans savoir pourquoi, dans une aventure invraisemblable à New-York un soir de réveillon de Noël.
    Très drôle. Cary Grant eut aimé ce rôle.
    The Big Bad Apple on Christmas Eve is no place for an orange grower from Florida.

  13. Julien Morvan dit :

    Bonjour,
    Puisque ce blog est dédié au DVD bien sûr, mais aussi et surtout au cinéma, je pense que mon message concernant la tristesse que je ressens à la disparition de Julien Guiomar ne sera pas hors sujet. Que faire quand un grand acteur qui m’accompagne depuis très longtemps s’éteint ? Revoir des films probablement, le meilleur hommage à lui rendre. Beaucoup sont trouvables en DVD, dont « L’incorrigible » (où il trouve un fabuleux monologue), « Z », « La fiancée du pirate », « L’aile ou la cuisse » (même s’il cabotine), « Les mariés de l’an II », « Papy fait de la résistance » ou « Les Ripoux ».

    Lui connaissiez vous, Monsieur Tavernier, des rôles majeurs peut-être moins connus du grand public ?
    Merci !

  14. (toujours sur La princesse)
    1)Je ne voulais pas être injuste avec les acteurs que je n’ai pas mentionnés de G Leprince Ringuet (admirable jusque dans ses hésitations ou maladresses qui sont partie intégrante de son personnage)au toujours formidable Michel vuillermoz (la description de l’anguille est un régal…il est aussi formidable qu’au thâtre ou chez Desplechin ou B Podalydès)en passnt par le très physique Gaspard ulliel(tiens d’ailleurs, c’est une belle idée que les réunir après les formidables et trop méconnus Egarés de Téchiné) ou le nouveau venu R Personnaz.
    2)La lecture de votre avant propos dans l’édition flammarion confirme mon intuition de la richesse de choix mûrement pesés par J Cosmos, FO Rousseau et vous -même ainsi en va t-il de la terrible assertion de la marquise de Mézières extraite d’une lettre de Mme de Lafayette, des choix concernant chabannes qui devient plus nettement cet idéal de l’honnête homme ( je fais lire en ce moment des auteurs baroques et notamment des libertins tels que Théophile de Viau à mes élèves…si Chabannes avait existé , il aurait pu croiser la route d’Agrippa d’Aubigné ou de Théophile voire du génial Cyrano!. Votre belle relecture me fait penser à l’intelligence textuelle et à la gourmandise d’un J cl carrière dans ses meilleurs moments.
    3)un mot sur la très belle BO composée par Philippe Sarde qui entrelace intelligemment ambiances d’époque, sens de l’épique et intimisme
    Ce film donne envie pêle mêle de revoir tous vos films « historiques », de lire des auteurs du XVIème s et XVIIème s, de se plonger dans des essais historiques, de déceler dans vos westerns de chevet de possibles sources d’inspiration!

  15. JLS dit :

    Bonjour Mr Tavernier
    A propos de Michael Powell, j’espérais que l’Institut Lumière allait poursuivre l’édition soignée de ses films… Je voulais revoir The Small Back Room (souvent écrit « Black » ça et là) que j’avais découvert à Chaillot (d’ailleurs, vous étiez dans la file d’attente, sur le point de partir au Sénégal pour tourner Coup de Torchon: il y a donc 30 ans!). C’était en vo sans st et j’ai quasi rien compris! Mais la scène de déminage restait géniale! Et Kathleen Byron, quelle splendeur!… Savez-vous qu’ils ont osé passer ce film l’an dernier sur Ciné Classic avec 10′ en moins! On ne voit même plus la bouteille de whisky géante que j’attendais désespérément de revoir enfin, quelle honte! Le présentateur n’avais pas l’air d’être au courant!
    J’ai renoncé à écrire une lettre de protestation, découragé par tant de je-m’en-foutisme…
    Bref, est-ce que la collection va se poursuivre? Oui, hein?
    Bon repos après La Princesse, en tout cas…

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