Mai
19

C’est parfois l’actualité qui peut nous amener à acheter ou revoir un film en DVD.Par exemple, la parution d’un remarquable petit livre Remorques de Jean-Christophe Ferrari (Editions de la Transparence) consacré au magnifique film de Jean Grémillon, avec une très belle préface de Paul Vecchiali, est une bonne occasion de revoir ce film sublime et de se pencher sur ce cinéaste qui reste trop méconnu. D’autant que le DVD de Remorques (1941), sorti par MK2, nous offre une copie somptueuse, un transfert éblouissant. Et d’excellents bonus.

Tout comme L’Armée des Ombres (1969), l’un des chefs d’œuvres de Jean-Pierre Melville qui a été restauré sous la supervision de son chef opérateur Pierre Lhomme. Ce qui nous vaut une version absolument magnifique.

Par ailleurs, l’éternel curieux qu’est Jean Ollé-Laprune (fondateur de Ciné Classics) me signale que dans le DVD de La Fille du Puisatier (1941), on peut voir dans les bonus, la bobine rescapée de La Prière Aux Etoiles (1941), tournée Porte de Saint-Cloud avec Pierre Blanchar.

Pour célébrer la mémoire de Pierre Trabaud, allons revoir Rendez-Vous de Juillet (1949) de Jacques Becker, en attendant que l’on veuille bien faire sortir son film très émouvant, Le Voleur de Feuilles (1983).

On a pu voir au cinéma des clips publicitaires soutenant la sortie en DVD de Un Crime dans la Tête (2004 –The Manchurian Candidate) de Jonathan Demme qui fut traité un peu superficiellement lors de sa distribution en salles. Bonne occasion de rappeler qu’il s’agit d’un remake éponyme, de l’un des films les plus passionnants des années 60 (1962), réalisé très brillamment par John Frankenheimer sur un scénario de George Axelrod. Il est très excitant de comparer les deux versions : celle de Frankenheimer est plus inspirée, plus provocante, notamment dans ses implications politiques. On y voit l’extrême droite maccarthyste s’appuyer sur les communistes russes et chinois pour détruire les démocrates. Un gag célèbre nous montre l’ineffable James Gregory, abruti congénital manipulé par sa terrible épouse, essayer de retenir combien de communistes il est supposé se cacher dans le congrès. On le voit mettre du Ketchup sur son assiette et le plan suivant, il lance : 57. Car il y a 57 variétés de sauces Heinz (en l’occurrence Mme Kerry) comme le clame la pub.

Ce film prémonitoire par rapport à l’assassinat de Kennedy (qui obligea à décaler la sortie d’un an) est l’œuvre emblématique de la paranoïa des années 60 comme Kiss me Deadly (1955 – En Quatrième Vitesse) de Robert Aldrich l’était des années 50.
Dans la version de Demme, un conglomérat genre Halliburton remplace les communistes et Meryl Streep fait une composition aussi cocasse, aussi inspirée que Angela Lansbury. Le personnage de Denzel Washington est plus approfondi que celui de Sinatra, mais le remake introduit des effets spéciaux inutiles et un surplus d’intrigues.
Cela nous permet de revenir sur la carrière de Jonathan Demme pour rappeler que l’on peut trouver, outre Le Silence des Agneaux (1991), un passionnant documentaire politique sur un journaliste haïtien assassiné par le pouvoir, The Agronomist (2003) sorti chez Wild Side.
Un de ses meilleurs films, Melvin and Howard (1980), inspiré par l’histoire du fameux testament mormon de Howard Hughes est toujours hélas inédit en zone 2. Vous pouvez néanmoins vous le procurer sur http://www.amazon.com/ pour les anglophones (édition sans sous-titres français) ayant un lecteur compatible.

John Frankenheimer, lui, est un auteur majeur dont on se doit de redécouvrir l’œuvre : Le Prisonnier d’Alcatraz (1962 – Birdman of Alcatraz), le stupéfiant Seconds (1) (1966 – L’Opération Diabolique), remarquable scénario de Lewis John Carlino d’une dureté, d’une âpreté de ton dont il y a très peu d’exemple dans le cinéma américain actuel. Et en zone américaine le très émouvant et sensible The Gypsy Moths (2) (1969 – Les Parachutistes arrivent) et bien sûr, sa dernière oeuvre, Path to War (2) (2002), le meilleur film politique américain de la décennie.

Une autre actualité, tout aussi politique, nous apprend qu’un certain nombre de salles et surtout de musées du Sud et du Sud-Ouest des USA (le Musée de la Science et de l’Histoire de Fort Worth), refusent de montrer les documentaires qui font allusion à théorie de l’évolution, voire qui citent le nom de Darwin. Bonne occasion de voir un film trop méconnu en France et dont le propos devient hélas d’une brûlante actualité : Procès de Singe (1960 – Inherit the Wind) qui retrace le procès que firent certaines congrégations religieuses à un professeur qui avait osé étudier en classe les théories évolutionnistes. Ce procès opposa deux des plus célèbres avocats de l’époque, Clarence Darrow (joué avec une théâtralité exigée par le personnage par Fredric March) et William Jennings Bryan (formidable Spencer Tracy). La mise en scène est comme souvent chez Stanley Kramer ultra classique et Gene Kelly est mal distribué, mais le film, s’appuyant sur un beau scénario de Nedrick Young, (scénariste black listé qui signe, comme dans La Chaîne en 1958 – d’un pseudonyme : Nathan E Douglas) et Harold Jacob Smith (qui écrivit l’intéressant The River’s Edge – 1957 et la navrante adaptation de Typee, Enchanted Island – 1958, deux réalisations d’Allan Dwan), est soutenu, porté par une force de conviction qui fait défaut à beaucoup de films américains actuels. Certains passages devraient être montrés dans les écoles dans les débats autour de la liberté de conscience, de la laïcité. Et je me demande ce que vaut la pièce de Robert E Lee (sic) et Jerome Lawrence.

Restons avec Stanley Kramer pour ajouter que, Jugement à Nuremberg (1961 – Judgement at Nuremberg) bien écrit par Abby Mann, tient remarquablement le coup. Au passage, on retient cette réplique prémonitoire, lancée par Richard Widmark : « Vous savez pourquoi nous autres Américains, nous ne sommes pas une bonne nation d’Occupants ? C’est parce que nous n’avons pas de mémoire »…

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Pour les amateurs de Nanars, deux sorties essentielles qui réjouiront Francis Girod, Monsieur Leguignon, Lampiste (1952) de Maurice Labro et également Légère et Court Vêtue (1953) de Jean Laviron d’après la célèbre pièce de Jean Guitton avec l’immortelle Madeleine Le Beau.

(1) Import zone 1, disponible sur http://www.amazon.com/ avec audio et sous-titres français
(2) Import zone 1, disponible sur http://www.fnac.com/ et http://www.amazon.com/ avec audio et sous-titres français

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Mai
09

J’ai envie d’insister évidemment sur des films qui sont peu publicisés ou qui ne l’ont pas été du tout. Par exemple Remparts d’argile (1968) de Jean-Louis Bertucelli, le père de Julie. Film absolument magnifique sur un sujet essentiel : la place de la femme dans une société musulmane, paysanne. Film qui n’a pas pris une ride et dont la splendeur visuelle (magnifique photo d’Andréas Winding), l’utilisation du son et le côté contemplatif sont d’une immense modernité.

Ce film, comme tant d’autres, semble avoir échappé à tous les chroniqueurs DVD. Il a été sorti par une petite compagnie de distribution qui distribue l’excellent Extérieur, Nuit (1980) de Jacques Bral.

Il est bien sûr évident que dans cette chronique je ne mentionnerai pas les sociétés et les sites qui bradent les DVD sans jamais en référer aux ayants droit et aux auteurs. Mais, je signalerai, chaque fois qu’il est possible, des films qui semblent être ignorés par les grandes surfaces et les grandes distributions.

Exemple : Amazon France signalait chaque fois que le très beau film de Jacques Maillot Nos vies heureuses (1999) était indisponible. C’est faux, on le trouve chez Blaq Out (52, Rue Charlot – 75003 / Tel. : 33 (0) 1 42 77 88 20/ http://www.blaqout.com/) qui se consacre à la diffusion du DVD d’auteur et qui distribue, en plus de Nos Vies Heureuses, des courts-métrages de Jacques Maillot, toute une série de films comme le magnifique Les Gens de la Rizière (1994) de Rithy Panh, (œuvre âpre et forte sur la manière dont le génocide des Khmers Rouges a détruit une grande partie des valeurs de la société cambodgienne), l’œuvre quasi intégrale d’Otar Iosseliani, Nationale 7 (2000) de Jean-Pierre Sinapi, le coffret de Peter Watkins, La Bombe (1966) et La Bataille de Culloden (1964 – V.O. sous titrée français), ces fracassants faux documentaires.

Et évidemment les coffrets que Opening à consacré à Mizoguchi, Fellini et John Ford dont le sublime Young Mr. Lincoln (1939) ou MK2 à Robert Bresson.

J’ai aussi envie de revenir sur des sorties plus anciennes pour signaler la qualité de certaines éditions et l’intérêt des bonus. Je pense à Pépé le Moko (1937) chez Studio Canal sorti avec un transfert d’une grande qualité et où on peut comparer, exercice passionnant, un certain nombre de scènes du film de Duvivier avec le remake (Algiers – 1938) d’un très intéressant metteur en scène John Cromwell mais, qui comme on peut le voir, édulcore chaque fois les audaces de la version originale. Et ceci en dépit de la présence du scénariste John Howard Lawson, qui deviendra l’un des dix d’Hollywood. Cromwell et son chef opérateur (James Wong Howe) avaient copié intégralement le découpage, tous les cadrages, toutes les recherches visuelles ou stylistiques de Duvivier (Pépé dans le noir avec seulement ses yeux éclairés) en se montrant à chaque fois plus timorés et plus conventionnels. La scène dans le bureau de la police au début du film que Duvivier filme en un seul plan large est interrompue chez Cromwell par un banal champ contre champ. Tous les plans de la casbah sont piqués sur la version française, mais toutes les allusions aux prostituées disparaissent. Le personnage d’Hedy Lamarr n’est plus une femme entretenue. Pépé ne se tue pas, il est abattu par erreur par la police. Cette confrontation est passionnante et il est très marrant de voir Charles Boyer reprendre (dans un décor quasi identique et avec le même costume) la chanson que chantait Gabin.
Autre bonus du film, une interview de Duvivier (qui n’en a pratiquement jamais donné) nous révèle un homme bourru mais extrêmement modeste et timide. A noter que cette interview est réalisée par François Chalais dont l’un des films favoris est Le Paquebot Tenacity.
Signalons dans la même collection : La Grande Illusion (1937), Casque d’Or (1952) et Quai des Orfèvres (1947).

POUR LES ANGLOPHONES

Dans cette chronique, j’ai envie de mentionner des DVD de la zone 1 (zone américaine) pour les anglophones qui ont des lecteurs compatibles. Par exemple, lors de mon dernier voyage aux Etats-Unis, j’ai découvert quelques sorties récentes, notamment trois films d’un metteur en scène que j’aime beaucoup Richard Quine. J’ai enfin eu la possibilité de revoir une des œuvres favorites de l’équipe du Nickel Odéon, ce ciné-club que j’avais créé dans les années 60, Strangers When we meet (1960 – Liaisons secrètes) avec Kirk Douglas, Kim Novak, le magnifique Ernie Kovacs et Walter Matthau. C’est une œuvre sombre, lyrique, une histoire d’amour tourmentée qui se déroule dans une banlieue aisée et qui anticipe de manière étonnante sur toute cette série de films des années 70 consacrés aux fissures de l’american way of life, au malaise américain, à la névrose. En revoyant le film, on s’aperçoit que Quine et que le scénariste Evan Hunter (Les Oiseaux), le vrai nom de Ed McBain, consacre une place énorme à la névrose qui ronge les rapports entre individus. Le film était célèbre pour la phrase où Kim Novak demandait à Kirk Douglas comment il se rasait avec sa fossette. Toute cette histoire d’amour se déroulait pendant que Kirk Douglas, architecte ambitieux, faisait construire la maison de ses rêves et la passion était liée à la création artistique.

Autre film de Quine It happened to Jane (1959 – Train, amour et crustacés), avec sous-titres français, que je n’ai pas encore revu mais dont mon ami Jean-Pierre Coursodon m’a vanté le charme et l’élégance et surtout My Sister Eileen (1955 – Ma sœur est du tonnerre), également sous-titré en français, l’une de ces rares comédies musicales dont d’innombrables visions n’ont pas réussi à altérer le charme et le pouvoir euphorisant. La genèse de ce film mérite d’être comptée. Prenant comme point de départ le premier acte de Wonderful Town, mais en n’en gardant que l’argument (les chansons de Bernstein, Comden et Green furent toutes éliminées) Blake Edwards et Quine, tous deux co-scénaristes, resserrèrent la construction dramatique, développèrent la psychologie des personnages, donnant un splendide exemple de la manière dont on peut non seulement adapter valablement, mais encore améliorer un musical scénique considéré comme un classique. De plus les nouvelles chansons (de Jule Styne et Léo Robbin) s’intègrent parfaitement au scénario, qu’elles font progresser, et Quine les utilise de façon très originale, ménageant à plusieurs reprises un passage insensible du dialogue au chant et à la danse.

On trouve également une collection assez passionnante (chez Kino International aux Etats-Unis http://www.kino.com/) qui devrait intéresser les gens de théâtre pour peu qu’ils parlent anglais. American Film Theater qui comprend plusieurs titres très intéressants. La plus grande réussite est à coup sûr The Iceman Cometh (1973), d’après la pièce de Eugene O’ Neill, magnifiquement réalisé par John Frankenheimer avec une distribution exceptionnelle, en particulier Fredric March et surtout Robert Ryan, tous deux ravagés et terriblement convaincants dans leurs personnages aux portes de la mort.

Autre réussite, Butley (1976) avec Alan Bates, mis en scène par Harold Pinter. Dans cette même collection, on peut également voir l’adaptation très terne de Galileo (1975) de Brecht par Joseph Losey et ce drame musical de Maxwell Anderson, mis en musique par Kurt Weill : Lost in the Stars (1974) d’après Pleure, ô pays bien-aimé d’Alan Paton. C’est l’une des rares occasions de voir l’un des musicals américains de Weill et sans doute l’un de ses plus grands succès. L’œuvre m’a parue très bien chantée, mais ne gagne absolument rien à avoir été tournée en extérieur réel notamment en ce qui concerne les scènes de foule et de chœur qui sont assez platement enregistrées par Daniel Mann.

Et puis, autre curiosité The Man in the Glass Booth (1975 – sans sous-titre français), une pièce de Robert Shaw (que l’on a pu voir dans de très nombreux films : Les Dents de la Mer, Deux hommes en Fuite de Losey, et Custer, l’Homme de l’Ouest…) qui fut mis en scène par Harold Pinter (qui aimait beaucoup cette pièce) réflexion sarcastique et dérangeante autour des crimes de guerre nazis. En bonus, la mise en scène de Arthur Hiller et un essai sur le théâtre de Robert Shaw.
Autre adaptation théâtrale (malheureusement sans sous-titres français) totalement réussie The Caretaker (1963 – Le Gardien) d’Harold Pinter très bien filmé par Clive Donner et magistralement interprété par Alan Bates, Donald Pleasence et Robert Shaw. Ce film, qui tient formidablement le coup, est sans doute la meilleure adaptation de Pinter. On peut le trouver dans une collection du British Film Institute (http://www.bfi.org.uk/) et qui comprend A Taste of Honey (1961) de Tony Richardson (avec en bonus un commentaire de Rita Tushingham et Dora Ryan), Elgar (1962) de Ken Russel (incluant un commentaire de Ken Russel) et The Iron Horse (1924) de John Ford dans une copie restaurée et teintée.

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