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Tout d’abord commençons par un dvd assez exceptionnel : Les Bas-Fonds – de la misère à la dignité retrouvée, les étapes poignantes d’une métamorphose (2000) de Denise Gilliand. C’est un remarquable documentaire sur et autour de la mise en scène des Bas-Fonds de Maxime Gorki interprété par un groupe de SDF. On voit le metteur en scène les choisir, les diriger, les redresser. Au fil des jours, ces individus « irrécupérables » reprennent goût à la vie, se transforment. Ils vont jouer plusieurs fois de suite la pièce sur la scène du Théâtre National de Chaillot et le texte de Gorki prend une force incroyable dans leur bouche. Denise Gilliand les accompagne pendant les mois qui ont suivi les représentations. Plus de la moitié s’en sont sortis.

Les Bas-fonds

Cléo de 5 à 7Je regrettais la dernière fois que la seule version de Cléo de 5 à 7 (1961) soit celle de Criterion. Voilà qui est réparé. Cléo vient de sortir en zone 2, dans un coffret somptueux, une belle copie restaurée avec des suppléments remarquables comme le magnifique Daguerréotypes (1978), le plan des trajets de Cléo et de superbes dessins de Sempé. Revoir ce film m’a beaucoup ému. Il n’a pas pris une ride. Le regard que pose Agnès Varda sur son héroïne, sur tous les personnages qu’elle côtoie ou rencontre, est fraternel, chaleureux, amusé, tendrement ironique, pudique. Roger Tailleur dans un article très élogieux saluait le plus beau film français depuis Hiroshima mon Amour (1959) de Resnais et Le Trou (1960) de Becker et soulignait les « recherches narratives, le carcan temporel, les préoccupations vitales, l’élégance de ton et plastique, et, deux par deux, l’humour et l’angoisse, la gravité et la poésie ».

Tout de suite un regret. Comment se fait-il qu’Adieu Philippine (1962 – dont j’avais été l’attaché de presse comme pour Cléo) de Jacques Rozier, autre titre majeur de cette époque, soit introuvable en dvd et quand on tape Jacques Rozier, on ne nous renvoie qu’à 56 rue Pigalle (1949) film de Willy Rozier, très prisé par notre président Francis Girod, mais que je ne connais pas.
Autre admirable coffret, La Maison des Bois (1971), pour moi le film le plus bouleversant, le plus accompli de Maurice Pialat. Pierre Doris y trouvait le rôle de sa vie et Pialat lui-même était magnifique en instituteur. S’inspirant d’un sujet de René Wheeler qu’il s’appropria au point de lui conférer un vrai côté autobiographique, Pialat nous remue autant que dans L’Enfance Nue (1968) ou A nos Amours (1983), et confère à cette sublime chronique une sérénité jusque dans la douleur. Chacun des épisodes est présenté par la monteuse Martine Giordano. Question bonus justement, il est très intéressant de comparer ceux des versions américaines et françaises de Quai des Orfèvres (1947), le chef d’œuvre de Clouzot. Tous les deux partent de la même source : des entretiens filmés de Panigel avec le metteur en scène, Simone Renant, Bernard Blier, Suzy Delair. Dans les deux bonus, le montage est différent, l’ordre des questions n’est pas le même. Dans la version StudioCanal on supprime une partie des questions de Panigel et quelques échanges. On perd un peu le côté idées très arrêtées qu’avait Panigel, sa vision univoque du film, son obstination à faire dire à Clouzot qu’il méprise ses personnages, les considère comme des larves. Le cinéaste se défend avec calme, fait remarquer que le regard qu’il porte sur Pierre Larquey est chaleureux, qu’il aime le personnage de Jouvet, celui de Simone Renant et de Delair. À Panigel, qui peint le rôle de Blier de manière très péjorative, il rétorque doucement « c’est un faible ».

La maison des bois Quai des orfèvres

En tapant Claude Miller sur amazon.fr, on découvre avec plaisir que l’excellent La Meilleure Façon de Marcher (1976) va sortir prochainement (j’ai gardé un souvenir très fort de ce film et de tous les acteurs de Dewaere à Christine Pascal en passant par Michel Blanc dans son premier rôle dramatique et Piéplu avec sa boite à idées), ce qui s’ajoutera à Dites-lui que je l’aime (1977), Garde à Vue (1981 – ce dernier contient juste comme bonus un reportage médiocre, au son défectueux, sur le tournage, avec des interviews navrantes des acteurs). Le dialogue de Michel Audiard n’a rien perdu de son mordant, de son intelligence, de son invention (« certains couples sont séparés par la maladie, le divorce. Nous c’était un couloir, un couloir de 15 mètres. Un désert ». Je cite de mémoire). La mise en scène de Miller brillante et fluide sait créer une tension qui ne se relâche pas. Après ces titres, après La Petite Lili (2003), on obtient brusquement Lawrence d’Arabie !!! « Ici rien n’est suspect, tout est étrange », disait Carette dans Sylvie et le Fantôme (1946) d’Autant-Lara.

Dites lui que je l'aime La meilleure façon de marcher

La 317 ème sectionJ’ai revu récemment cette réussite exemplaire qu’est la 317ème Section (1965) Pierre Schoendoerffer, autre titre majeur des années 60, que l’on trouve chez tous les soldeurs, dans un beau transfert qui rend justice à la magnifique photographie de Raoul Coutard. Jacques Perrin et Bruno Cremer sont inoubliables et la sobriété dépouillée du ton, sa sécheresse prennent encore plus de force aujourd’hui. Malheureusement, il n’y a aucune interview de Pierre Schoendoerffer et dieu sait s’il a des choses à raconter sur ce film. Juste la bande-annonce dont je suis l’auteur. C’était mon premier travail cinématographique. Le commentaire est dit par mon monteur Armand Psenny.
Sur une autre guerre, il FAUT voir La Question (1977) de Laurent Heynemann d’après le témoignage de Henri Alleg. Notamment au moment où l’on parle des tortures américaines et anglaises en Irak. Jacques Denis y était sensationnel dans ce film très bien joué (Nicole Garcia, Jean-Pierre Sentier, Jean Benguigui, Michel Beaune…) et qui met à mal le cliché selon lequel les cinéastes français n’ont pas abordé la guerre d’Algérie. Cléo le faisait, tout comme Adieu Philippine et Muriel (1972) d’Alain Resnais, et Avoir 20 Ans dans les Aurès (1972) de René Vautier. Le vrai problème est que certains de ces films ont été peu diffusés, ou rarement sinon jamais repris par les chaînes de télé, notamment publiques. Avez-vous vu La Question sur la 2 ou la 3 ? A ma connaissance, le film d’Autant-Lara, Tu ne Tueras Point (1961) consacré à l’objection de conscience et contemporain de la guerre d’Algérie reste toujours inédit (et introuvable en dvd tout comme R.A.S. – 1973, l’un des meilleurs films d’Yves Boisset avec Allons Z’enfants – 1981).

La question Avoir 20 ans dans les Aurès Muriel

La victoireLe premier et remarquable film de Jean-Jacques Annaud, La Victoire en Chantant (1976), écrit par Georges Conchon, qui se déroulait en Afrique durant la première guerre mondiale, avait été consacré par les Américains et sous-estimé ici. Je n’ai jamais oublié le moment où le génial Jean Carmet à qui Jacques Spiesser demandait s’il avait un plan, déclarait fièrement : « Bien sûr que j’ai un plan…Oui, j’ai un plan…Ben oui, j’ai un plan » pour finalement admettre piteusement : « j’ai pas de plan ».

Coup de têteTout aussi jubilatoire est Coup de Tête (1979) sur les magouilles du monde du football, très bien écrit par Francis Veber, avec une verve satirique qui aurait plu à Jeanson. Le sujet, prémonitoire, prend encore plus de force à l’heure actuelle, tout comme cette scène d’interrogatoire dans un commissariat où Gérard Hernandez cherche sa chevalière qu’il a perdue en frappant Patrick Dewaere. « Elle a dû glisser sous un classeur » lui susurre l’un de ses subordonnées.
Parmi les autres répliques mémorables, j’adore : « C’est pas mon truc…Le viol, c’est pas mon truc » de Dewaere et de nombreuses interventions fulgurantes de Jean Bouise qui les distille dans le plus pur style Jouvet : « Je fais jouer 11 imbéciles pour en calmer 800 ».
Le commentaire audio de Jean-Jacques Annaud rend justice à tous ses collaborateurs et notamment à Francis Veber. A saluer le concept graphique du DVD. A revoir d’urgence.

En zone anglaise (chez http://www.amazon.co.uk/) 10 Rillington Place (1971 – L’Etrangleur de la Place Rillington), l’un des chefs-d’œuvre de Richard Fleischer vient enfin de sortir en dvd, sans sous-titres français (juste avec sous-titres anglais pour sourds et malentendants). Cette autopsie d’un fait divers authentique permet à Richard Attenborough de fignoler une composition hallucinante dans le rôle de John Reginald Christie. Citons Jacques Lourcelles : « Aucun film, peut-être, n’a été capable depuis les débuts du cinéma de mettre les spectateurs dans un tel état d’accablement. Quinze années de violences et d’horreurs cinématographiques n’ont pas atténué l’éclat insoutenable de ce film, au demeurant très sobre visuellement… Ici, à juste titre, on peut parler de « voyage au bout de la nuit »… Comme tous les grands cinéastes, Fleischer a d’abord le génie du lieu. Une description hyper réaliste (au sens pictural du terme, de cette ruelle londonienne, mêlant studio et extérieurs, tournés sur place) va cerner l’espace où agit le tueur… Génial dans son interprétation, dans sa recréation d’une atmosphère, le film appréhende l’espace (le gouffre), qui sépare notre monde de la civilisation. Il laisse sans garde fou le spectateur devant son propre vertige ». (Dictionnaire du Cinéma)

10 Rillington Place

En Zone 1, citons deux ressorties majeures de deux des chefs-d’œuvre du western : 7 Men from Now (1956 – 7 Hommes à Abattre) de Budd Boetticher et Ride the High Country (1962 – Coup de Feu dans la Sierra) de Sam Peckinpah. Revoir le premier, qui avait disparu depuis au moins 30 ans, a été un immense plaisir. Son ton, son style incroyablement ramassé, compact, dense, la rapidité elliptique, fulgurante des dialogues de Burt Kennedy, lui permettent, en moins de 80 minutes, d’accumuler les péripéties, de donner vie à au moins quatre personnages, extrêmement bien dessinés, de suggérer pour chacun d’entre eux un passé, des rapports relativement complexes. La séquence à l’intérieur du chariot durant laquelle Lee Marvin fait du charme à Gail Russell devant son mari et sous l’œil de Randolph Scott est exemplaire. Boetticher déclare d’ailleurs dans l’un des excellents bonus qui accompagnent le film (témoignages de Tarantino et, plus terne, d’Eastwood, interview de Boetticher, documentaire sur Burt Kennedy où l’on découvre qu’il fut un vrai héros de la dernière guerre) que c’est la scène dont il est le plus fier.

7 Men from Now Ride the High Country

7 Men lança Lee Marvin qui est inoubliable dans le film. Le voir s’entraîner à dégainer dans un saloon désert (moment ajouté par Boetticher) est jubilatoire tout comme sa mort, son air surpris, incrédule avant de tomber foudroyé. Mais lors de cette nouvelle vision, j’ai été extrêmement touché par Gail Russel. C’est John Wayne, le producteur du film, qui fit appel à elle en souvenir de Angel and The Badman (1947) de James Edward Grant (une bonne version va bientôt sortir) et du Réveil de la Sorcière Rouge (1948 – Wake of the Red Witch) de Edward Ludwig, l’un de mes films favoris. Son visage marqué (l’alcoolisme l’avait écartée des plateaux depuis au moins 5 ans et elle mourra quelque temps plus tard à l’âge de 36 ans) donne à sa beauté, à ses yeux verts une fragilité, une fêlure bouleversante. Boetticher déclare qu’elle reste la meilleure actrice parmi celles qui jouèrent dans ses westerns.

La copie est somptueuse (meilleure dit-on que la 35 mm). Les couleurs possèdent un éclat qui avait disparu de tout ce que l’on pouvait voir depuis 35 ans, qui rend justice à la photo de William Clothier. Mais pour quelles raisons Robert Gist a-t-il choisi un format panoramique au lieu du 1/33 ? J’aimerais connaître les raisons de ce choix. C’est pour lui que fut écrit Ride the High Country ; mais retenu au Mexique par le tournage de son documentaire sur Carlos Arruza, il refusa et Sam Peckinah hérita du projet. 44 ans après, Ride reste toujours éblouissant, un mélange inspiré du respect de la tradition (le film tourne autour des thèmes archétypaux du double itinéraire et de l’apprentissage) et de modernité : la course du début, gagnée par un chameau, la description du camp de mineurs, de la famille de James Drury, ce ramassis de demeurés criminels. Là encore, la copie est magnifique et rend justice à la photographie de Lucien Ballard

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Déc
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Deux des sorties récentes les plus excitantes sont The Last Frontier (1955 – La Charge des Tuniques Bleues, sous-titré en anglais et qui vient également d’être édité en zone 2), l’un des westerns d’Anthony Mann les plus loués par la critique française et que je n’avais jamais vu en VO. J’ai été un peu déçu : malgré des beautés fulgurantes (la scène tant vantée où James Whitmore s’avance dans une clairière pendant qu’un magnifique mouvement de grue découvre les indiens en embuscades), le film paraît chaotique, inabouti. Le conflit entre la Nature et la civilisation est traité trop superficiellement malgré deux ou trois moments aigus et perçants. Victor Mature est moins bon que dans Le Carrefour de la Mort (1947) de Hathaway et dans La Proie (1948) de Siodmak.

Deuxième titre, le très méconnu Go Tell the Spartans (1978) de Ted Post que le titre français, Le Merdier, condamna lors de sa sortie et qui lui, tient très bien le coup. Il s’agit sans doute du meilleur film sur la guerre du Vietnam, magnifiquement écrit par Wendell Mayes (La Colline des Potences – 1959 de Daves, Autopsie d’un Meurtre – 1959 de Preminger). Son scénario, d’une cinglante acuité, évoque le début de la guerre en 1964 et fait de très nombreuses allusions à la présence française. Burt Lancaster y est absolument magnifique. A cette époque, il tourna plusieurs films ambitieux, curieux, qu’il est bon de redécouvrir comme The Swimmer (1968 – Le Plongeon) de Frank Perry et Castle Keep (1969 – Un Château en Enfer de Sidney Pollack, l’un des rares scénarios crédités de David Rayfiel pour Pollack). Détail marrant, le DVD de Go Tell the Spartans est sous titré en Français mais sans doute au Québec car Lancaster dit tout le temps Calice ou Tabernacle et les « bridés » sont à une centaine de verges !

Paramount vient de sortir trois des films produits par John Wayne pour Wayne Fellows, qui avaient totalement disparus de la circulation et que j’avais vu à leur sortie : The High and the Mighty (1954 – Ecrit dans Le Ciel) et Island in the Sky (1953 – Aventures dans le Grand Nord), tous deux réalisés par William Wellman dont le nom apparaît au dessus du titre. Le second est d’ailleurs très wellmanien dans sa sobriété, sa nudité dramatique, vraiment efficace et intéressante (l’atterrissage forcé de l’avion est ellipsé, Wellman ne filmant que les visages de Wayne et de l’équipage). La description du petit groupe qui les recherche nous vaut les meilleures scènes du film. Andy Devine notamment est assez épatant. La manière très neutre dont il balance ses répliques, sans aucune expression, est originale et souvent cocasse. Toutes les séquences de groupes évitent le préchi prêcha et on ressent fortement la camaraderie qui unit ces hommes. Comme le dit bien Leonard Maltin, le film frappe par son absence de cynisme, de calcul, d’astuces. Wayne est très bon et se fond dans la collectivité (il est excellent aussi dans The High and the Mighty malgré le script calamiteux).

Le film pèche curieusement par ses extérieurs (sauf les magnifiques plans aériens photographiés par William Clothier, le reste du film est dû à Archie Stout comme High) et certaines scènes avec la neige, tout comme Track of the Cat (1954) manquent de force.?
The High and the Mighty annonce tous les films catastrophe avec un avion qui prend feu où se trouvent autant de cas sociaux que de personnages. Détail curieux : on demande l’âge de chaque passager avant de l’enregistrer, je me demande bien pourquoi. Qui pourrait me renseigner à ce sujet ?
Il y a beaucoup de bonus : interviews d’acteurs, portrait du romancier Ernest K Gann, commentaire et présentation (qu’il est impossible de zapper) de Léonard Maltin.

Tout comme dans Hondo (1953 – Hondo l’Homme du Désert, sous-titré en anglais), western de John Farrow vanté par André Bazin, le premier rôle en vedette de Géraldine Page, est un choix audacieux et intelligent. Dans l’un des bonus, on nous confirme que c’est John Ford qui a tourné les trois dernières scènes. On trouve également un portrait de James Edward Grant, le scénariste attitré de John Wayne (il est à ce dernier ce que Jean Manse est à Fernandel) sauf chez Ford ou Hawks. On trouve son nom au générique de La Taverne de l’Irlandais (1963 – Donovan’s Reef) mais Ford m’avait dit qu’il n’avait rien écrit et que c’était Wayne qui l’avait glissé dans le générique. Il fut co-scénariste de beaucoup de films et il est souvent difficile de déterminer son apport quand il partage un carton avec Harry Brown (Sands Of Iwo Jima -1949 de Allan Dwan), Delmer Daves (The Last Wagon – 1956, hélas toujours inédit en DVD). Tout seul, il écrivit The Alamo (1960) que Wayne dirigea. (Ce texte est exclusivement destiné aux scénaristes qui siègent à la SACD !)

Grant dirigea deux films produits par Wayne : The Angel and the Badman (1947 – L’ange et le Mauvais Garçon) qui n’était pas mal du tout et qui, faisant partie des œuvres du domaine public, existe en DVD dans des dizaines de versions. J’espère qu’un lecteur m’indiquera la meilleure en zone 1 ou 2. Ce film fut totalement plagié par les scénaristes de Witness (1987) de Peter Weir qui, du coup, gagnèrent un Oscar. L’autre film de Grant est un policier, Ring of Fear (1954) se déroulant dans un cirque, que j’avais vu à sa sortie et qui m’avait paru très médiocre. Seule curiosité, le héros était joué par Mickey Spillane qui jouait son propre personnage, menait l’enquête et arrêtait l’assassin.

A voir en VHS Universal (que l’on peut trouver sur amazon.com) The Monster and the Girl (1941) de Stuart Heisler, film épatant, d’une grande originalité. La première partie est une intrigue à la William Irish traité avec une grande économie de moyens, une sécheresse narrative rigoureuse et elliptique. Les séquences de procès sont très réussies dans cette optique et très symptomatique du talent et du style de Heisler.
Il y a là une élégance formelle, une rapidité qui fait mouche à chaque instant et transfigure le matériau de base, distillant une inquiétude sourde. Tout le moment du mariage, pendant un orage, avec un Joseph Calleia est admirable d’onctuosité. Puis brusquement apparaissent dans le récit un savant, un singe à la fois protecteur et meurtrier mais ce brusque changement de genre est traité avec la même sobriété elliptique que ce qui précède. Heisler refuse tout l’arsenal visuel, tous les effets inhérents aux films fantastiques Universal. Il ellipse tous les meurtres (qui sont souvent éclairés comme des scènes de films noirs), ne recherche jamais le pittoresque dans les décors. Ni dans le traitement des personnages. Les péripéties les plus extravagantes sont filmées comme si elles allaient de soi, comme si elles étaient normales, évidentes, ce qui donne au film un ton très particulier qui pourrait évoquer Tourneur et Val Lewton. On retrouve ce ton qui fait l’originalité des meilleurs films de Stuart Heisler dans The Star (1952) qui vient de sortir, film très méconnu qu’adore Martin Scorcese et auquel Leonard Maltin donne trois étoiles et demi. Il s’agit d’un portrait assez décapant d’une actrice ruinée qui veut retravailler et qui, pour survivre, vend ses robes et ses meubles. Le scénario de Dale Eunson et Katherine Albert ne la glorifie jamais, ne passe pas sous silence son égocentrisme, ses aveuglements, ses maladresses. Tous ces traits sont accentués par l’interprétation dure, violente de Bette Davis, persuadée qu’elle jouait Joan Crawford. Mais elle savait aussi que ce personnage était proche d’elle (tout comme le personnage de Sterling Hayden, visiblement très autobiographique) et on a l’impression qu’elle y glisse beaucoup de détails intimes. On n’oublie pas le moment où elle réalise soudain, en visionnant son bout d’essai, qu’elle s’est totalement trompée dans son interprétation. Le film frappe par une justesse assez rare, qu’il décrive l’atmosphère d’un plateau, d’une party où les rapports mi amicaux mi sournois avec les producteurs. La mise en scène d’Heisler précise, sobre, elliptique avec de beaux élans (la course de Bette Davis dans la nuit) tire un excellent parti de certains décors naturels (le mouvement précédent Davis quand elle utilise l’escalator du grand magasin) et cette économie narrative, non exempte d’ironie ou d’amertume donne un ton original à cette œuvre aussi éloignée de The Big Knife (1955 – Le Grand Couteau) d’Aldrich que de Sunset Boulevard (1950 – Boulevard du Crépuscule) de Wilder. A noter la délicieuse présence de Natalie Wood qui sort de l’enfance et que Heisler dirigera à nouveau dans The Burning Hills (1956 – Collines Brûlantes).

Deux films de Jerry Schatzberg viennent de sortir : le sublime The Scarecrow (1973 – L’Epouvantail, sous-titré en français), l’un des trois chefs d’œuvres que Schatzberg réalisa à la suite (les deux autres sont Panique à Needle Park -1971 et toujours inédit en DVD Portrait d’une Enfant Déchue -1970). Et le très excitant Street Smart (1987 – La Rue, avec sous-titres français) qui fut desservi par la faillite (et la piètre réputation) de la société Cannon Films qui l’avait produit. Il s’agit pourtant d’un scénario assez original qui prend des résonances très actuelles avec l’emprisonnement de la journaliste du New York Times pour refus de divulguer ses sources. C’est le même genre de choix que doit faire le personnage joué par Christopher Reeve. Les points forts du film sont les extraordinaires interprétations de Kathy Baker dans un rôle très bien écrit de prostituée et surtout de Morgan Freeman en maquereau, personnage très fort, certainement l’un des plus terribles, des plus menaçants du cinéma américain contemporain.

Deux films d’Arthur Penn, parmi ses meilleurs avec The Miracle Worker (1962 – Miracle en Alabama), sont sortis en même temps que les Schatzberg avec des sous-titres français : Night Moves (1962 – La Fugue), film noir labyrinthique et paranoïaque, très bien écrit par Alan Sharp (qui signe aussi le scénario de Ulzana’s Raid [Fureur Apache] – 1972 de Robert Aldrich). Gene Hackman joue un privé qui enquête sur la fugue d’une jeune fille alors qu’il a des rapports de plus en plus difficiles avec sa femme. Toute l’histoire baigne dans une mythologie californienne et une ambiance très glauque. Four Friends (1981 – Georgia) est un beau scénario autobiographique de Steve Tesich, écrivain très talentueux qui mourut trop jeune. On lui doit Breaking Away (1979 – La Bande des 4) de Peter Yates, autre œuvre autobiographique et la très intelligente adaptation de The World According to Garp (1982) de George Roy Hill. Nous écrivions, avec Jean-Pierre Coursodon, dans 50 ans de Cinéma Américain : « Tout d’abord, le scénario de Steve Tesich, qui mérite d’être étudié comme un exemple d’adaptation intelligente, réussit à rendre une bonne partie de la richesse thématique du roman, de cet entrelacs de motifs qui, incessamment repris, transposés, modulés, donne au film sa construction musicale ».

Georgia nous parle de l’adolescence de Tesich, qui fait partie d’une famille d’émigrés yougoslaves, de la manière dont il rêve l’Amérique et s’oppose à ses parents. Des rêves, souvent déçus, qui vont habiter les 4 amis (qui donnent le titre américain de l’œuvre), les inspirer ou les meurtrir. De l’amour qu’éprouvent ces garçons pour une jeune fille qui les éblouit et qui va être aussi blessée qu’eux. Penn galvanise une troupe de jeunes interprète (où Craig Wasson mérite une mention spéciale pour l’extraordinaire diversité et la fluidité de son interprétation) et donne une très grande émotion à de nombreuses séquences..

Enfin, un film qui mérite d’être découvert, Three Came Home (1950 – Captives à Bornéo) de Jean Negulesco. En France, ce cinéaste fut rayé par l’intelligentsia lorsqu’un critique parla de « negulesconneries » à propos des productions sentimentalo touristiques qui abondent dans la dernière partie de sa carrière. ?
C’est oublier un peu vite que cet homme intelligent, qui se fit faucher sa première fiancée par Modigliani et se lança dans le cinéma sur les conseils d’Elie Faure, a signé plusieurs réalisations intéressantes jusqu’en 1951. Notamment Roadhouse (1948 – La Femme aux Cigarettes), un bon film noir avec Richard Widmark et Ida Lupino, écrit par Edward Chodorov, The Mask of Dimitrios (1944) qui n’est pas disponible en DVD, le touchant Johnny Belinda (1948), mélodrame que ne désavouerait pas Sirk et ce Three Came Home. Ce film, intelligemment écrit et produit par Nunnally Johnson, parle de la manière dont certaines femmes, prisonnières des japonais, réussirent à survivre. Johnson et Negulesco évitent pas mal de clichés, esquivent de nombreux pièges (sentimentalisme, voyeurisme) et confèrent à ce récit une grande dignité. Ils contournent adroitement les figures imposées par le genre et l’époque : un enfant se concentre sur son dessin pendant que la radio annonce le désastre de Pearl Harbour auquel il ne prête aucune attention. Sessue Hayakawa joue un officier japonais qui demande que Claudette Colbert lui dédicace un livre pendant que l’on entend les salves de pelotons d’exécutions.
Ce film étant dans le domaine public, on en trouve des dizaines d’éditions. Après avoir pris beaucoup d’avis, j’ai pris le DVD édité par Alpha Video (http://www.oldies.com/).

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Nov
09

En zone 2

La sortie de l’excellent film de Stéphane Brizé, Je ne suis pas là pour être aimé, coup de cœur de la SACD, nous conduit à revoir son premier film, très prometteur, le drôle et touchant Le Bleu des Villes (1999). Il confirme le goût de Brizé pour donner à ses héros des métiers ingrats : dans Le Bleu des Villes, Mathilde Seigner était contractuelle, dans Je ne suis pas là pour être aimé, le formidable, magnifique, bouleversant Patrick Chesnais, est huissier. Brizé sait nous rendre avec intelligence le poids que font peser ces métiers sur ceux qui les exercent et en tire des moments de comédie ou d’émotion tout à fait remarquables.
Dans ce même film, on remarque la talentueuse Anne Consigny que j’avais repéré dans L’Equipier (2004), le très bon film de Philippe Lioret.

Bonne occasion de revoir ce film ainsi que Mademoiselle (2001) tout en regrettant l’absence en DVD de Tombés du Ciel (1993), le premier film de Lioret, tout aussi personnel, et réussi. Lioret signe film après film une série d’œuvres discrètes, attachantes, originales, enracinées dans un vrai milieu populaire, qui méritent d’être examinées de plus près.
Le DVD permet parfois de réhabiliter des injustices, de revoir des films qui n’ont pas connu le succès qu’ils méritaient. Je pense à Noble Art (2004), ce beau documentaire de Pascal Deux sur Fabrice Bénichou qui renvoie, dans son émotion, son portrait de perdants, à Nous Avons Gagné ce Soir (1949) de Robert Wise ou plus encore, à Fat City (1972) de John Huston.
Dans la même collection, chez Blaq Out (52, Rue Charlot – 75003 / http://www.blaqout.com/), on peut revoir Une part du Ciel (2002) de Bénédicte LiénardSéverine Caneele est bouleversante et Triple Agent (2004) d’Eric Rohmer que j’aime beaucoup pour sa liberté de ton, son audace, ses partis pris d’austérité. Le DVD offre plusieurs bonus dont une interview de 20 minutes d‘Irène Skobline (que j’avais dirigée dans Coup de Torchon –1981) qui donne des précisions historiques et familiales sur le personnage principal qui fait partie de sa famille.

Autre sortie capitale, la sublime Maison des Bois (1971), peut être le film de Maurice Pialat que je préfère, disponible pour le moment dans un coffret très bien dirigé par Serge Tubiana, qui comprend ses courts-métrages – fascinants – et quelques sommets dont Loulou (1980) et surtout L’Enfance Nue (1968) qui reste toujours aussi bouleversant et novateur. En revanche, Le Garçu (1995)…

En rendant justement hommage à Harold Pinter, Pascal Rogard dans son Blog a oublié l’un de ses scénarios les plus complexes, les plus aboutis : The French Lieutenant’s Woman (1981 – La Maîtresse du Lieutenant Français) superbement dirigé par Karel Reisz dont vient de sortir le passionnant Dog Soldiers (1978 – Les Guerriers de L’Enfer), thriller « hustono-sartrien », d’après le beau livre de Robert Stone, qui traitait de la gangrène morale, de la corruption engendrée par la guerre du Vietnam. Dans ses deux films, Reisz offrait à Meryl Streep, Jeremy Irons, Nick Nolte, Tuesday Weld des rôles inoubliables

Sony vient de restaurer et de ressortir aux USA Major Dundee (1965) de Sam Peckinpah. Ils ont retrouvé et incorporé 12 minutes, à savoir ce qui avait été coupé après la seconde projection. Les coupes, plus abondantes, qui avaient été effectuées après la première projection test ont pratiquement disparu : ne subsistent que quelques rushes muets que l’on peut voir dans les bonus, notamment le premier plan de la légendaire séquence d’ouverture montrant le massacre de 135 soldats américains par les Indiens, durant la nuit d’Halloween. Ce qui a été restauré améliore le film, diminue certains défauts, éclaire des manquements. On sait enfin ce qui arrive au Scout Indien dont Charlton Heston questionne la loyauté pendant tout le film et souligne la remarquable ambition de ce western qui voulait faire exploser le genre. Durant cette expédition suicide, les frontières entre Bien et Mal s’estompent. Tout le monde est en guerre contre tout le monde : les soldats contre les Indiens (et chez les Indiens ceux qui sont soumis contre les rebelles), les sudistes contre les nordistes, les prisonniers contre le reste du régiment, les Noirs contre les Blancs, les Mexicains contre les Français (et les juaristes (1) contre les autres mexicains), les soldats et les américains contre les Français qui se battent aussi contre les Indiens. Et Charlton Heston contre le reste du monde !!!
Mais les faiblesses persistent : progression chaotique (normal, disent ses défenseurs, c’est un film sur le chaos !), personnages mal développés ou abandonnés : la situation des noirs, par exemple, ne donne lieu qu’à une seule scène et une réplique. Faiblesses dues certainement au re-montage mais aussi à l’indifférence de Peckinpah pour certains éléments narratifs. Et aussi aux bouleversements qu’il fit subir au script durant le tournage (Senta Berger déclare que son rôle, absent du scénario original, fut écrit sur le plateau avec Peckinpah). Le scénario original était, paraît-il, tout aussi mal construit durant le dernier tiers. Quand démarra la réalisation, il n’était pas terminé et les auteurs, pour aller vite, empruntèrent certaines séquences à Lawrence D’Arabie.
Le point positif de cette nouvelle version est la musique. Celle de Daniele Amphiteatroff avait été imposée à Peckinpah par le producteur Jerry Bresler qui voulait édulcorer le film : des flopées de violons inondaient les scènes, des airs martiaux étaient plaqués sur des séquences sombres, pessimistes. La nouvelle partition inspirée par les déclarations de Peckinpah améliore le film. Les deux musiques sont disponibles, sans que l’on puisse passer de l’une à l’autre. Mais Je me demande finalement si ce n’est pas Aldrich qui a réussi, sur ce même genre de sujet, l’œuvre rêvée par Peckinpah avec le splendide Fureur Apache (1972 – Ulzana’s Raid), meilleur western des années 70. Un film qui est tenu de bout en bout.

Justement de Robert Aldrich est édité Hustle (1975 – La Cité des Dangers). Touchant et curieusement retenu, ce film a un ton, un rythme plutôt tranquille, presque méditatif. De très nombreuses scènes se déroulent dans des intérieurs, soit luxueux (l’appartement de Burt Reynolds), soit assez glauques (le bureau de Reynolds, la maison du couple Hollinger) auxquels Aldrich confère systématiquement un côté étouffant, claustrophobique. Ceci donne l’impression que le personnage de Reynolds se mure, se replie sur lui-même comme le Charlie Castle de The Big Knife (1955) se réfugie dans ses souvenirs (« Je suis l’étudiant des années 30 »).
Par des moyens diamétralement opposés à ceux de Kiss Me Deadly (1955), Aldrich fait voler en éclat les conventions du genre, les subvertit de manière moins explosive, plus insidieuse. On retrouve bien sûr toute la haine et le mépris qu’il éprouve pour les hommes de pouvoir même si le ton est moins exacerbé, plus retenu : Ernest Borgnine campe un responsable policier veule, lâche. Mais ce n’est rien à côté d’Eddie Albert , son acteur fétiche, qui est là incroyable de fourberie cauteleuse (2), de fausse bonhomie suintante, s’appuyant sur un fort sentiment d’impunité. Hustle est l’une de ses meilleures interprétations.
Ben Johnson, géniale idée de distribution, est absolument formidable tout comme Catherine Deneuve, radieuse, très vivante et extrêmement touchante. C’est l’une des call girl les moins déshabillées de l’histoire du cinéma.
Le scénario de Steve Shagan (qu’a-t-il écrit à part Save The Tiger ? ) très introspectif, contient des idées fortes, des répliques audacieuses ou cinglantes (« Ce pays, c’est le Guatemala avec la télévision en couleur » en phase avec la hargne aldrichienne) mais aussi une nostalgie passéiste qui ne colle pas toujours avec la rage d’Aldrich, lequel se définissait comme un homme légèrement à gauche du parti démocrate). Ce dernier dit s’être heurté plusieurs fois à Shagan qui ne voulait rien changer à son dialogue. Aldrich a réussi à imposer la nationalité européenne de la prostituée, la fin pessimiste et forte et la scène où Deneuve dit qu’elle est prête à tout arrêter si Reynolds lâche lui aussi son métier ou plus exactement la manière dont il l’exerce, ce qu’il ne fait pas. Il y a d’ailleurs des maladresses de construction, sans doute à cause de cette mésentente.
Détail amusant, Deneuve écoute Aznavour, entraîne Reynolds voir Un Homme et une Femme, Reynolds regarde Moby Dick (allusion un peu appuyée).

Dans un registre très différent, signalons la sortie du très roboratif (3) Mondovino (2004) de Jonathan Nossiter, magnifique illustration de la diversité culturelle, au sens propre.
Et aussi de deux films que je vais revoir : Quand Passent les Cigognes (1957) de Kalatozov sorti chez MK2 dont j’ai un souvenir ému, et le remarquable Main Basse sur la Ville (1963) de Francesco Rosi aux Editions Montparnasse dont je vous parlerai plus tard.

En Italie j’ai trouvé de très bonnes versions avec sous-titres anglais ou français, du Christ s’est arrêté à Eboli (1979) l’un des grands Rosi et de deux des chefs-d’œuvre de Germi Divorce à l’Italienne (1962) et de Séduite et Abandonnée (1964). Mais je ne connais pas de site permettant de les commander.
Et évidemment les deux coffrets des films de Simone Signoret que vient de sortir Studio Canal (le premier contient : Manèges – Casque d’Or – Thérèse Raquin – L’Armée des Ombres et le second : Le Chat – La Veuve Couderc – Police Python 357 – L’Etoile du Nord).

Dans la rubrique curiosité, sortie de deux des premiers films de Georges Lautner (le premier étant la Môme aux Boutons datant de 1958 avec Lucette Raillat et Serge Davri), Marche ou Crève (1960) et Arrêtez les Tambours (1960), tous deux produits par la Compagnie Lyonnaise du Cinéma à qui l’on doit les inoubliables On Déménage le Colonel (1955) et Le Colonel est de la Revue (1957) de Maurice Labro avec Noël Roquevert.
Le premier, Marche ou Crève, une coproduction belgo-lyonnaise, est un policier où Lautner fait feu de tout bois pour dynamiser le récit et lutter contre un budget étriqué (zooms, cadrages recherchés, plans chocs). Découvrant le film avec bonheur, le critique du Nouvel Obs dans ses louanges va jusqu’à créditer Lautner des dialogues, oubliant un peu vite Pierre Laroche dont l’esprit très anar imprègne le film. On lui doit le réjouissant « N’oublie pas que nous nous aimons », hurlé par Bernard Blier à Juliette Mayniel. Je me souviens avoir voulu interviewer Lautner après avoir vu ce film.
Nous avions d’ailleurs présenté au Nickel Odéon, l’opus suivant, plus ouvertement ambitieux, Arrêtez les TamboursLautner et Laroche évoquent, à travers le personnage d’honnête homme que joue Blier, la collaboration, les résistants de la 11ème heure.

Encore plus rares, voilà que sortent deux films de Henri Calef (cinéaste que je ne connais pratiquement pas en dehors du célèbre Jericho – 1946), qui ont une assez bonne réputation : La Maison sous la Mer (d’après Paul Vialar, « mais nous avons beaucoup changé le roman et introduit une description sociale », dit Calef) et Les Eaux Troubles (1949).
Ces deux oeuvres très rares (et donc chères) sont parues dans une collection insensée aux dire de Jean Ollé-Laprune, dite « les documents cinématographiques » : « dans laquelle tu trouves – à des prix assez élevés effectivement – des films pour le moins improbables.

Exemple : SOS Noronha (1957) de Georges Rouquier avec Jean Marais, film d’aventures qui se déroule dans les années 30 dans une île au large du Brésil. Marais dirige une base de l’aéropostale et affronte une révolte de bagnards pendant que Mermoz qui passe au dessus de lui, a besoin de ses services. Tourné en Corse avec Jacques Demy comme assistant.
J’ai aussi trouvé un curieux film de Paul Mesnier, Le Septième Jour de Saint-Malo, une histoire de résistance avec Roland Lesaffre et Jean-Pierre Kérien, avec des otages coincés dans le fort de Saint-Malo en Août 1944. Et dans le rôle du prêtre… Jean-Pierre Kalfon, authentique ! (Le film date de 1960 tout de même !)
Dans la même collection, tu trouves aussi Après Mein Kampf mes Crimes (1940) d’Alexandre Ryder, des films de Jean-Paul Paulin comme Le Chemin de l’Honneur (1939). Je n’ai pas vu Les Eaux Troubles dont on me dit du bien (je ne te ferai pas l’article sur Roger Vercel !) et je conserve un bon souvenir de La Maison sous la Mer que nous avions passé sur Ciné Classics dans une mauvaise copie. Il y avait un problème d’interprétation, à cause de Clément Duhour, mais Viviane Romance était formidable dans l’un de ses derniers bons rôles ! ».

Enfin tous ceux qui ont été subjugués par le charme et l’engagement de Moon So-Ri pour la diversité culturelle, la retrouverons avec plaisir dans ces films magnifiques que sont Une Femme Coréenne (2003) de Img Song-Soo et dans les deux chefs-d’œuvre de Lee Chang-Dong, Peppermint Candy (2000 – dont une nouvelle vision renforce la poignante acuité) et Oasis (2002) que tous les membres de la Commission SACD doivent avoir vus. Il faut lire aussi le roman de Lee Chang-Dong, Nokcheon, paru au Seuil.

Parmi les imports anglais assez rares, signalons Zulu Dawn (1979) dont l’action se situe avant Zulu (1964), écrit mais pas dirigé par Cy Enfield pour cause de maladie. Il fut remplacé par Douglas Hickox. Il s’agit de la terrible défaite subie par les troupes britanniques, victimes de la stupidité arrogante et raciste de leurs chefs (Peter O’Toole est délectable). Une bonne moitié du film est occupée par la bataille, assez impressionnante.
Signalons aussi Christmas Holiday (1944) de Robert Siodmak avec Deanna Durbin et Gene Kelly, histoire criminelle d’après Somerset Maugham. Vous pouvez trouver ce DVD sur http://www.amazon.co.uk/.

Petit Lexique :

  1. Juaristes : Benito Juarez, homme politique mexicain. Président de la République (1861), il lutta en 1863 contre l’intrusion française au Mexique et fit fusiller l’empereur Maximilien d’Autriche (1867).
  2. Cauteleuse : Qui manifeste à la fois de la méfiance et de la ruse.
  3. Roboratif : Fortifiant
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