Commençons par deux films, introuvables jusqu’ici et que René Château vient de sortir, hélas en VF. Mais mieux vaut voir en VF ces deux Vittorio Cottafavi que de ne pas les voir du tout. Il s’agit de FILLE D’AMOUR, l’une de ses plus éclatantes réussites.
CORRECTION MAJEURE (4/07/2011). LE DVD OFFRE UNE VERSION EN VO. MALHEUREUSEMENT, le son n’est pas restauré ni nettoyé et mon dvd avait un bruit de fond agaçant et fort durant la première moitié surtout. La copie n’est pas mauvaise et le film est magnifique. Il décolle après la scène du rendez vous loupé au restaurant et surtout après le moment le héros retrouve Rita démolie par la cocaïne. La scène du train, l’arrivée au sanatorium sont des moments bouleversants et Cottafavi filme avec amour Barbara Laage. Les personnages masculins sont plus veules, plus détestables et paradoxalement plus intéressés que l’héroïne.
Je n’ai jamais oublié les courses de Barbara Laage dans les rues de Milan, ce voyage en train, admirable moment de mise en scène pure, qui fait affleurer le tragique racinien que vantait Michel Mourlet, cette fin dépouillée, nue, tous ces moments rythmés par la sublime musique de Giovanni Fusco, laquelle renvoie à une autre oeuvre contemporaine, la belle CHRONIQUE D’UN AMOUR d’Antonioni.
Je n’ai eu le temps de revoir que l’excellent REPRIS DE JUSTICE. Le premier sketch, avec Richard Basehart, est le plus banal, le plus conforme, en apparences, aux codes du genre. Cottafavi s’en démarque pourtant par cette manière de souligner l’héroïsme, la ténacité féminine, cette capacité de sacrifice qui est un de ses thèmes favoris. Le médecin que joue Basehart paraît moins adulte, moins lucide, moins généreux. Il s’apitoie sur son sort. Le second sketch, avec Eddie Constantine (très bon face à Arnoldo Foa), est le plus brillant. Un passage à tabac sous des arcades est filmé en plans très longs, avec des mouvements, des recadrages d’une rare élégance, l’affrontement final se déroule dans des paysages campagnards loin des stéréotypes du genre. Là encore, le héros paraît buté, autiste, motivé uniquement par l’appât du gain, la soif de vengeance. Il refuse d’écouter sa copine qui paraît mille fois plus sensée, plus intelligente que lui. La fin, variation tragico ironique semble prendre à contrepied les conclusions à la Huston. Le dernier sketch, enfin, est le plus touchant et Walter Chiari et Antonella Lualdi y sont remarquables et Cottafavi en profite pour inverser, à la fin, la ligne de force des deux autres épisodes. On se dit que Chiari va connaître, à force d’entêtement, le même sort que le gangster joué par Constantine, quand brusquement l’amour d’une jeune fille parvient à le bousculer, à l’arrêter. Le dernier plan est très émouvant.
Deux films américains peu courants et magnifiques : THE STRANGE LOVE OF MOLLY LOUVAIN de Michael Curtiz et THE LAST FLIGHT de William Dieterle. Le premier est un mélodrame criminel ultra brillant, dirigé avec un sens du rythme époustouflant. Certaines situations sociales brulantes (le décor d’ON ACHEVE BIEN LES CHEVAUX) sont traitées en trois plans. Quelques travellings, quelques plans de plaque de voiture évoquent un destin qui bascule dans la délinquance. Cette rapidité s’accorde avec la dureté, le cynisme du ton : Ann Dvorak passe de l’état de fiancée à celle de mère de famille obligée de placer son enfant. Toute la fin du film est filmée avec une invention stupéfiante et Sirk n’a jamais fait mieux que le moment où l’héroïne découvre le double jeu de Lee Tracy.
THE LAST FLIGHT est le film qui évoque le mieux Scott Fitzgerald. Lisez le beau roman de John Monk Saunders d’où il est tiré. Dans cette chronique désenchantée où des pilotes américains, tous amoureux de la même femme, passent d’une fête à l’autre et meurent l’un après l’autre, on trouve des moments bouleversants, comme cette scène au Père Lachaise où l’on évoque Héloïse et Abélard. C’est dans THE LAST FLIGHT qu’on trouve cette phrase célèbre : « it seemed like a good idea at the time. »
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