Je continue mon exploration de l’œuvre britannique de John Guillermin avec d’abord un double DVD Adelphi (sans sous titres qui comprend deux films en dvd ET en Blue Ray) :
CROWDED DAY, chronique unanimiste, douce-amère, décrivant une journée dans la vie de 5 vendeuses travaillant dans un grand magasin. Je ne pensais pas que Guillermin que je voyais spécialisé dans le film d’action, le polar, avait abordé ce genre de sujets. Cette petite production indépendante vit hélas son exploitation bloquée par l’étroitesse d’esprit, l’impérialisme des deux grands circuits de salles qui interdisaient l’accès des Gaumont, des Odéon à ce type de films, bloquant tout renouvellement.
Le résultat n’est pas tout à fait à la hauteur des espoirs que fait naitre le sujet. Pour une raison très simple : le scénario ne consacre qu’une portion congrue au travail de ces jeunes femmes, à leurs rapports avec les clients, profitant de la moindre occasion pour s’évader dans les pubs, les restaurants, les rues. Il faut dire que le travail était toujours survolé à cette époque (et même maintenant). Il y a plusieurs scènes touchantes et Guillermin se débrouille très intelligemment en décors naturels, dans un vrai magasin et dirige bien ses actrices. On peut regretter le gag un peu lourd de l’employé qui tente plusieurs fois d’habiller un mannequin. Dans la partie un peu plus dramatique, Guillermin se permet des cadrages inhabituels, obliques, avec des amorces très présentes qui annoncent ses films noirs.
L’autre film, SONG OF PARIS est plus léger, plus conventionnel malgré le suave Dennis Price. Il est rehaussé par l’interprétation fine et sexy d’Anne Vernon qui chante plusieurs chansons dont une de Jean Drejac. Les deux films bénéficient de transferts magnifiques.
Toujours de Guillermin, j’ai revu avec plaisir malgré un transfert très discutable (même si Ted Scaife est un chef opérateur conventionnel. Dans son équipe, il y a Gerry Fischer) TARZAN GREATEST ADVENTURE (la PLUS GRANDE AVENTURE DE TARZAN), le meilleur – de loin – des Tarzan récents. Celui, en outre, qui est le plus fidèle au personnage créé par Edgar Rice Burrough. En effet, dans cette version, Tarzan parle normalement, ne s’exprime pas en petit nègre. Il a l’air intelligent, éduqué. Dès la séquence pré générique, d’une réelle violence, très bien filmée, Guillermin (qui co-écrit le scénario) multiplie les travellings dans la jungle, les mouvements de grue, joue avec les amorces, la profondeur de champ. Le combat final est très bien mis en scène, avec ce recadrage au-dessus du vide. Formidable trio de « méchants » : Anthony Quayle, acteur shakespearien, Niall McGinnis et…Sean Connery. L’avant dernier plan est savoureux. Tarzan regarde son reflet dans l’eau et sourit.
Je viens de revoir GIFT HORSE (COMMANDO SUR SAINT NAZAIRE sans sous titres) que je n’avais guère aimé lorsque je l’avais vu a douze ou treize ans. Et j’ai été touché, intéressé maintenant par tout ce qui m’avait rebuté. J’avais déploré le manque d’action, d’héroïsme, le fait que le raid mentionné dans le titre français n’occupait que les 20 dernières minutes, ce qui serait inimaginable maintenant. Or justement ce qui donne au film une force, c’est l’importance de l’attente, des échecs répétés à la suite d’erreurs humaines ou mécaniques (rien ne semble marcher dans ce foutu destroyer : les canons s’enrayent, les tuyaux crèvent). Le capitaine Fraser se trompe, l’un de ses officiers commet une bourde énorme. Rarement films de guerre et de propagande auront autant mis en valeur les cafouillages, les accidents, les obstacles que les britanniques. C’est ce que ce GIFT HORSE réussit, et cela jusqu’à la fin. Un internaute qui m’a convaincu de voir le film loue son absolue authenticité (les bateaux, l’armement ne sont pas postérieurs à l’époque, contrairement à tant de films), insiste sur cette absence d’héroïsme, sur la mauvais qualité du matériel. Sur l’interprétation impeccable de Trevor Howard.
THE LONG, THE TALL AND THE SHORT de Leslie Norman est visiblement l’adaptation d’une pièce de théâtre. Et cela se sent. Les grands travellings dans la jungle ne suffisent pas à rendre cinématographiques ces pesants débats d’idées, lourdingues, sur dramatisés qui restent théoriques malgré une distribution où l’on remarque un jeune Richard Harris et Laurence Harvey. Statique et ennuyeux.
ICE COLD IN ALEX de Jack Lee Thompson est beaucoup plus intéressant et transcende un sujet qui pourrait être conventionnel (4 personnes perdues dans le désert). On sent la chaleur, le poids du désert, la fatigue, la sueur sur la peau. John Mills en officier alcoolique (encore un héros en état de faiblesse) est beaucoup plus convaincant que d’habitude et Sylvia Syms confirme, une fois de plus, le bien que j’ai pu dire d’elle. Elle est même très sexy dans ce film d’homme et elle évoque dans les bonus ce tournage qui fut épuisant. Il paraît qu’une scène d’amour entre Mills et elle fut coupée, car sa chemise était trop ouverte.
Par ailleurs, plusieurs scènes d’action sont bien découpées et porteuses d’une vraie tension, ce qui n’est pas toujours le cas chez Lee Thompson : la rencontre avec une patrouille allemande dans le désert est une excellente séquence, imprévisible, ambigüe comme tout le film. Les britanniques prennent des décisions qui pourraient les faire accuser d’intelligence avec l’ennemi : ils dissimulent le fait qu’un des personnages est un espion allemand. Le patriotisme est sacrifié à la tolérance et à la loyauté. La séquence qui donne son titre au film est remarquable : on a envie de boire de la bière avec eux.
A propos de Lee Thompson, dont j’ai acheté TIGER BAY mais ne parvient pas à trouver ses premiers films qui ont une bonne réputation (WOMAN IN A DRESSING GOWN) et font oublier les productions avec Charles Bronson, mon ami Jean Pierre Coursodon m’écrit qu’il a regardé « un film que je n’avais jamais vu et que tu couvres de ridicule dans 50 ANS: EYE OF THE DEVIL et à ma surprise je ne l’ai pas trouvé si mauvais. La « population hébétée » dont tu parlais, on la voit environ 3 minutes en tout, maximum. Je suis plus dérangé par la convention qui fait que des acteurs 100 % britanniques sont censés être français, mais on s’y habitue. Le film est assez grandiloquent (Tourneur l’aurait dirigé de façon différente!) mais le genre le veut. L’histoire n’est pas plus extravagante que EYES WIDE SHUT. Le château est remarquablement utilisé, intérieurs et extérieurs, la photo est excellente, avec beaucoup de profondeur de champ. L’incohérence due aux coupures ne peut pas être impliquée au pauvre réalisateur (il y en a quand même une de taille, quand Deborah Kerr tombe du haut du château et apparait intacte dans le plan suivant). Je ne cherche pas à réhabiliter Lee Thompson mais je trouve que tu étais un peu injuste.
Je vais revoir le film.